Charte associative : la dernière ligne droite ?

Dernière ligne droite pour la charte associative, et cela va se jouer au sprint ! En effet, si la charte existe depuis 2008, son application demandait un accord de coopération entre les 3 entités fédérées francophones : Région wallonne, Fédération Wallonie Bruxelles et Commission communautaire française. Les derniers arbitrages seront débattus lors d’un Gouvernement conjoint tout début octobre. Ce sera alors le coup d’envoi de sa mise en œuvre.


Préalablement, une petite trentaine d’associations vont découvrir dans leur courrier une demande d’avis sur le texte. Avis à rendre pour le 15 septembre, de manière à ce qu’ils puissent en être tenus compte. Les différents conseils consultatifs et conseils économiques et sociaux seront également (re)saisis du dossier.

Les pouvoirs fédérés francophones auront mis 5 longues années pour s’accorder sur un accord de coopération. Ils laissent deux mois d’été à l’associatif pour remettre un avis. Faut-il s’en offusquer ? Peut-être oui : il va être difficile pour bien des conseils d’administration de se saisir avec pertinence de la demande dans le temps imparti. Peut-être non : les associations sont généralement celles qui auront déjà en son temps été consultées sur la charte elle-même, et l’accord de coopération précise un certain nombre de points, à propos du type d’associations concerné et du droit de recours notamment, sans en modifier les principes. Il s’agit ici de promouvoir le dialogue et la transparence, mais les avis ne devraient pas fort différer de ceux donnés en 2007-2008 pour la charte.

Un dossier vieux de 10 ans qui semble proche d’aboutir, cela vaut bien qu’on s’y attarde un peu, en compagnie du Ministre-président de la CoCoF, Christos Doulkéridis.

Qui va lentement va sûrement, mais à ce train-là, il n’y a pas eu que des difficultés techniques …

C. Doulkéridis : « La charte fait partie des dossiers pour lesquels les questions d’approche politique des uns et des autres peuvent diverger. On touche à des politiques publiques, des services aux publics. Est-ce que ce sont des institutions clairement publiques qui doivent les porter ? Quel rôle pour le secteur associatif ? L’apport de l’associatif est patent depuis longtemps, mais il était grand temps de clarifier les liens avec les pouvoirs publics. Il faut légitimer le politique dans les comptes qu’il doit rendre aux citoyens et il doit le faire dans la plus grande transparence. Cette transparence doit donc aussi être de mise lorsqu’il reconnait l’expertise associative. En tant qu’écologiste, j’ai toujours considéré qu’il était important de travailler avec un associatif indépendant, mais qu’il s’agit de bien cadrer les relations, dans la mesure où l’action associative prolonge l’action publique. »

Les politologues distinguent plusieurs modèles d’articulation entre associations et pouvoirs publics. Il a fallu déminer…

« Nous connaissions une situation de blocage pour des raisons relativement mineures par rapport à l’intérêt d’avoir un accord de coopération de mise en œuvre de la charte. On m’a demandé de jouer un rôle de facilitateur par rapport à ce dossier. On coinçait sur des choses qui ne méritaient pas ce blocage. Qu’il y ait des divergences idéologiques, c’est sain dans une démocratie, mais à partir du moment où il y avait un accord de tous pour qu’une charte associative existe, il fallait passer à l’acte. Les derniers consensus à trouver ont concerné le type d’associations à qui on s’adressait et le cadre du recours. »

Quel intérêt les pouvoirs publics voient-ils dans la charte ?

« Cela apporte la reconnaissance de structures en tant que partenaires à part entière et non instrumentalisés. La démocratie gagne à avoir un secteur associatif fort comme intermédiaire entre le citoyen et le politique ; un associatif dont l’expertise peut guider l’action du politique. Egalement, assurer des financements pluriannuels aux associations leur permettant ainsi de fonctionner de manière plus pérenne, et diminuant d’autant les situations de dépendance aux politiques est sain pour la démocratie. Reconnaître l’autre à part entière est un élément structurant. »

1. Les principes et les engagements

Cette Charte est une donc une initiative des pouvoirs publics qui vise à définir les rapports entre services publics et secteurs associatifs.

« Alors que l’intérêt général est menacé par la montée de l’individualisme et que la logique marchande convoite chaque espace de l’action collective, les pouvoirs publics signataires veulent renforcer leur engagement au service du bien public et sceller alliance avec le monde associatif pour défendre ensemble, dans une perspective de développement durable, les valeurs d’émancipation sociale, d’égalité, de solidarité et de liberté ainsi que les services d’intérêt général. »

Ce sont les premières lignes du préambule. L’accord de coopération précise que « les Gouvernements, dans la mesure de leurs compétences, s’engagent, dans les négociations intra belges, européennes et internationales mais aussi avec les pouvoirs locaux, à fonder leurs positions dans le respect du présent accord, et à y défendre le principe d’exception non-marchande à la libéralisation des services ».

Par cette charte, les pouvoirs publics énoncent un ensemble de principes et prennent une série d’engagements. Parmi ceux-ci :

  • Les associations sont une richesse créatrice de richesses : richesse économique, détection de besoins nouveaux au sein de la population, renforcement de la solidarité et de la cohésion sociale, rôle de relais entre le citoyen et les pouvoirs publics.
  • Les pouvoirs publics soutiennent les efforts de structuration et de coordination des associations.
  • Les pouvoirs publics reconnaissent et encouragent la liberté d’expression des associations et notamment l’exercice de leur capacité critique.
  • La Charte considère comme complémentarité et non concurrentielle l’action associative et l’action publique. Lorsque les pouvoirs publics et les associations privées sont tous les deux opérateurs comme, par exemple, dans le secteur de l’action sociale et de la santé, il est temps de passer un accord entre les deux parties afin de se compléter et non pas de se concurrencer.
  • Les pouvoirs publics s’engagent à liquider les subventions aux associations dans les délais et à privilégier le subventionnement dans la durée.
  • Les pouvoirs publics s’engagent à soutenir le volontariat, aux côtés de l’emploi salarié, comme acte de solidarité ou de militance dans l’action et la gestion des associations.

2. Quelles associations sont concernées ?

L’accord de coopération s’applique à toutes les personnes juridiques morales ou non ainsi qu’aux associations de fait, qui, par le biais d’une reconnaissance ou d’un agrément, et, le cas échéant, d’un subventionnement, collaborent en vertu d’un décret, à la réalisation de certaines missions de service public.

Parions que nombre de débats seront centrés sur l’exclusion des associations soutenues comme initiatives. L’accord de coopération demande néanmoins que des règles transparentes soient de mise : « Pour les crédits facultatifs, chaque membre des Gouvernements informe publiquement, au moyen d’une circulaire, au minimum les critères généraux d’octroi, ainsi que des procédures de demande à respecter et des délais de réponse. Il revient à chaque Ministre le soin d’établir les critères, les procédures et les délais de réponse. Chaque membre du Gouvernement publie chaque année la liste des subventions facultatives octroyées. »

Les budgets d’initiatives font débat depuis belle lurette. Ils permettent à un membre du gouvernement d’impulser et de soutenir des actions novatrices qui trouvent difficilement place dans un cadre agréé, mais 80% des budgets sont octroyés de manière récurrentes ; nombre de projets demandent de s’épanouir sur la durée, mais la pluri annualité de ce type de soutien n’est pas encore acquise …
Nul doute que le sujet reviendra sur le devant de la scène parlementaire à l’heure où le gouvernement régional vient de décider une diminution linéaire des budgets facultatifs comme mesure structurelle d’assainissement des comptes.

3. Droit de recours

L’accord de coopération instaure un droit de recours « contre toute décision entrant dans le champ d’application du présent accord de coopération prise par une autorité administrative à la suite d’une demande formulée conformément aux dispositions applicables par ou en vertu d’un décret ou d’un arrêté organisant la reconnaissance, l’agrément et/ou le subventionnement de personnes collaborant à un service public ». Chaque entité mettra en place sa propre instance mais l’accord balise les critères d’indépendance de celle-ci.

Comment la CoCoF va-elle procéder ?

C. Doulkéridis : « Il faut essayer de ne pas tout réinventer. Et on tiendra compte de la consultation du secteur associatif. On réfléchira ensemble pour que ce soit efficace, pour ne pas se perdre dans des procédures complexes. »

4. Les outils de la Charte

Pour faire vivre la Charte, il est prévu de créer, d’une part, une « task force » administrative dont le rôle sera d’accompagner la transposition réglementaire des engagements prévus, et, d’autre part, un Forum du partenariat associatif, notamment avec un site Internet dédié, lieu de débat avec le monde associatif, selon une formule à définir, afin notamment de permettre l’évaluation de la Charte et d’assurer le suivi des engagements.

En ce qui concerne la région bruxelloise, les instances existantes, tels les Conseil consultatifs, ainsi que l’exiguïté du territoire, font que CoCoF et associatif dialoguent déjà assez bien. Il est donc peu probable que celle-ci mette place de nouveaux lieux. Ce serait d’ailleurs contreproductif. L’accord de coopération stipule que « en concertation avec les partenaires sociaux et le monde associatif, les Gouvernements soutiennent, évaluent et adaptent les dispositifs de consultations existants et en rationalisent le nombre dans un souci de plus grande efficacité. Ils en clarifient les règles de mandat avec l’objectif de limiter les cumuls et de favoriser le renouvellement des conseils. » Le rôle d’expertise de l’associatif n’entre aucunement en conflit avec la légitimité de la responsabilité politique.

5. Et la commune ?

Relevons enfin le principal écueil bruxellois : la CoCoF n’ayant aucun pouvoir d’injonction au niveau communal, l’application de la charte ne pourra s’y faire que sur base volontaire : « les Gouvernements, dans la mesure de leurs compétences, encouragent les pouvoirs locaux à transposer à leur niveau le présent accord et à mettre en place un partenariat avec les associations locales leur permettant notamment d’être plus accessibles aux associations, en diffusant leurs ordres du jour à ceux qui en font la demande, en leur ouvrant un droit d’interpellation au conseil, en ouvrant des séances particulières sur l’état de la vie associative ».

C. Doulkéridis : « On a des accords qui sont plus intra francophones qu’interrégional. Les Wallons vont pouvoir le faire. A Bruxelles, il est clair que la Région qui a la tutelle sur les communes et la CoCoM qui a celle sur les CPAS doivent rentrer dans cette dynamique-là. Ce sera indispensable si l’on veut insuffler à tous les niveaux cette logique de coopération et de respect mutuel qui se retrouvent dans la charte. Dès que tout sera en place du côté francophone, il faudra s’y atteler. »

Il faut donc espérer que les mandataires régionaux, qui ont tous une assise locale, trouvent naturel d’appliquer dans leur commune ce qu’ils ont voté au niveau de la CoCoF et de la FWB.

6. De l’écrit à l’acte

Il n’est pas trop tard mais il est plus que temps que pouvoirs publics et secteur associatif puissent baser leurs relations au départ d’un écrit. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’époque n’est pas favorable. Les règles de concurrence permettent au secteur marchand de grignoter pas à pas les services à la collectivité ; la politique d’austérité mais aussi des bisbilles communautaires mettent des associations non marchandes indispensables à leur secteur d’activités en danger de mort ; la tentation existe aujourd’hui plus qu’hier de considérer le secteur non marchand, et particulièrement les secteurs social, de santé et socioculturel comme opportunité de (ré)insertion socioprofessionnelle pour un public « éloigné du marché de l’emploi », au risque de mettre à mal la qualité et la continuité des services …

Les dangers qui planent (de plus en plus bas) sur nos secteurs sont d’ordres divers et variés, et si la charte ne va pas les écarter, au moins permettra-t-elle d’encadrer la recherche des meilleures solutions possibles.

Alain Willaert, CBCS asbl, 15/7/13

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