Expulsés à la rentrée pour cause d’impayés?

Communiqué de la Fédération des Services Sociaux (FdSS) du 31 août 2020

Ces derniers mois, en Région de Bruxelles-Capitale, des milliers de ménages ont brutalement perdu leurs sources de revenus. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ne possédaient aucune épargne, aucun « coussin de sécurité » pour amortir la chute. Selon le Bureau du Plan, le nombre de personnes en privation matérielle sévère a augmenté de 4,6 % à 6,6 %. Et parmi eux, nombreux sont ceux menacés d’être expulsés de leur logement dès le 1er septembre, au lendemain de la fin du moratoire sur les expulsions locatives.

Le temps du moratoire aurait dû être celui de l’adoption de mesures préventives extrêmement solides. L’aide unique de 215€ imaginée par le Gouvernement bruxellois durant le confinement est loin de couvrir l’ensemble des besoins et des situations vécues par les ménages. De nombreux locataires ne se la sont d’ailleurs pas encore vue octroyer. De même, les CPAS bruxellois, bien qu’ils aient perçus fin juillet leur part des 125 millions de la dotation du fédéral, n’ont pas encore bénéficié des 30 millions supplémentaires promis par le Gouvernement bruxellois pour soutenir les personnes victimes d’une crise sociale majeure. Dans ces circonstances, doublées d’un travail social souvent ralenti par les conséquences sanitaires (conditions d’accompagnement perturbées, travailleurs malades, en quarantaine…), les outils pour éviter les expulsions n’ont pas encore pu être pleinement déployés. Une issue du moratoire au 1er septembre est prématurée. A titre de comparaison, l’Allemagne a adopté une loi en avril dernier, interdisant jusqu’en juin 2022 toute expulsion liée à des arriérés de loyers imputables à une perte de revenus durant la crise sanitaire.

Selon le Rapport 2018 de l’Observatoire du social et de la santé, 5000 demandes d’expulsions sont introduites devant les juges de Paix bruxellois chaque année et se soldent par a minima 600 expulsions forcées via huissier. A l’issue des 6 mois de moratoire, on peut donc craindre que plus de 300 ménages soient concernés par une procédure d’expulsion par huissier et risquent donc, demain, de se retrouver violemment à la rue, puisqu’à la crise structurelle du logement est venue s’ajouter la crise sanitaire. Et la vague d’expulsions à prévoir accentuera encore la tension sur ce marché déjà saturé, avec à la clé une exclusion sociale intolérable.

Il existe pourtant de multiples mécanismes permettant d’apporter une réponse pérenne à ce problème structurel : allocation-loyer, grille indicative (voire contraignante) des loyers, introduction du concept de loyer raisonnable, politique publique favorisant l’accès à la propriété, taxes et amendes pour les immeubles vides et abandonnés… Ces dispositifs ne demandent qu’à être expérimentés de toute urgence.

Une autre solution pourrait, quant à elle, être rapidement mise sur pied : la création d’un Fonds public régional d’arriérés de loyers. Les propriétaires obtiendraient le remboursement (total ou partiel, en fonction du montant des revenus respectifs du propriétaire et du locataire) des loyers impayés via ce Fonds public, et ce uniquement dans les limites du « loyer raisonnable » tel que fixé par la grille des loyers et avalisé par la future Commission paritaire locative. L’intervention du Fonds entrainerait l’interdiction, au propriétaire, de réclamer toute somme additionnelle au locataire ; la saisine du Fonds devrait d’ailleurs être un préalable obligé à toute procédure judiciaire d’expulsion. Le Gouvernement bruxellois, dans sa déclaration de politique générale mentionnait la mise en place de mécanismes préventifs. Il est impératif de concrétiser ces promesses alors que le Gouvernement n’annonce des mesures qu’« à l’automne ».

Les expulsions, en plus d’être extrêmement traumatisantes et humiliantes pour les ménages, entrainent des coûts importants pour la collectivité. Agir en amont, via un Fonds, permettrait une meilleure utilisation des deniers publics pour une politique digne et efficace d’accès au logement.

Contact : Joëlle Van Laethem Joelle.vanlaethem@fdss.be 0474 / 74 67 40

La Fédération des Services Sociaux (FdSS) fédère et représente des services sociaux associatifs en Wallonie et à Bruxelles. Pour soutenir les acteurs sociaux de terrain, elle développe des projets, des formations et une expertise, en particulier dans les domaines du droit à l’alimentation, à l’eau et à l’énergie. Elle contribue également à la réflexion en matière de travail social et de politique sociale via ses projets de recherche-action.
À partir de ces analyses et en collaboration avec les travailleurs sociaux, elle interpelle et formule des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et des acteurs administratifs et associatifs.
En savoir plus : www.fdss.be

A ce sujet dans le médias:

Sur le site de RTBF, un article du 1er septembre 2020 sur la manifestation contre la fin du moratoire sur les expulsions de logement.

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