Journal d’une incarcération bruxelloise

La ballade des dangereuses, 3ième bande dessinée réalisée par les sœurs Hermans, l’une scénariste, l’autre illustratrice, se déroule à Berkendael. Immersion dans la maison d’arrêt pour femmes de Forest, en suivant l’histoire vraie de Valérie Zézé, multirécidiviste incarcérée pour la 8 fois pour vols liés la consommation de drogues.


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Avec Valérie Zézé, on entre en prison, on découvre des habitudes dans un univers très codé, qui n’en sont pas moins difficiles, voire impossibles à prendre, et ce même si c’est pour la 8 fois. La fin de l’intimité, la solitude et la présence forcée des autres, la foule de procédure à charge du détenu comme rédiger un rapport pour rencontrer un soignant…

Mais Valérie est une tête dure, et en la suivant, on partage un quotidien nourri de subterfuges bien à elle, pour gagner quelque instants de liberté et rendre sa colère salutaire: repasser en boucle « un maximum de belles images de l’extérieur, conservées l’abri de sa mémoire « un petit palais pour se réfugier » selon ses mots. Mais aussi chanter, fréquenter la salle de culte musulman parce qu’on peut y partager du thé ou des dates ou, plus prosaïquement, peler des pommes de terre en cuisine comme autres distractions et tentatives d’évasion.

Spirale de l’addiction

Ce huitième passage par la case prison aura ceci de singulier : il correspondra à « la fois ou Valérie décide d’arrêter de consommer de la cocaïne », à presque 50 ans. Valérie incarnera celle pour qui un sursaut se produit, dans un contexte ou pourtant l’humanité fait défaut, ce qui portera petit-à-petit l’histoire vers une issue positive.

Mais ce n’est pas tant la prison qui fera naître cet élan salvateur. Plutôt un concours circonstances avec entre autres l’opportunité pour Valérie de trouver une place une cure de désintoxication par l’entremise de travailleurs de terrains bruxellois.

C’est par l’intermédiaire de Transit asbl, Centre d’accueil pour usagers de drogues, qu’Anaële Hermans a pu rencontrer d’anciens et anciennes détenu(e)s ayant connu la spirale de l’addiction. Les auteures expliquent avoir retenu un sujet qui nous les travaillait l’une comme l’autre: « Des barrières sociales font qu’on en avait, comme tout le monde, entendu parler de la maison d’arrêt, mais (…) entre savoir qu’il existe des prisons, avoir entendu quelques chiffres et connaître l’histoire des gens à l’intérieur, c’est autre chose».

Pour la scénariste, la rencontre avec Valérie Zézé a été l’opportunité d’un partenariat idéal: « On pouvait dire qu’elle avait, à ce moment, presque décroché des 30 ans de toxicomanie. Mais, sortant de prison, sans logement, elle n’avait nulle part où aller. Transit avait accepté de l’aider pour un brève période avant de lui trouver une cure. Son histoire était surtout très commune: faite d’allers-retours en prison. De plus, elle avait terriblement envie de raconter son vécu. Elle avait d’ailleurs déjà écrit un long texte sur son histoire. »

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Chronique sociale

Plus qu’une BD, il s’agit en réalité d’un roman graphique, une chronique sociale en couleurs, caractérisée par la narration d’un personnage plein d’humanité, tantôt attachant, tantôt amusant. « C’est que Valérie, ancienne professeure de français, détournait beaucoup de chansons » explique la scénariste. Elle avait réinventé les paroles de «La Ballade des gens heureux » pour en faire « La ballade des dangereuses », une ode aux femmes incarcérées ». Des jeux de mots et des formules qui viennent ponctuer BD le sens de la formule quand elle parle, par exemple, en exergue de « la Maison d’arrêt où tout commence ».

Si le dessin est doux, poétique par moments, les auteurs l’ont voulu très précis et parfaitement fidèle à la réalité carcérale. « Pour moi, c’est très compliqué de dessiner sans voir» confie Delphine, dessinatrice. Le duo aura dû attendre la fin de la longue période des grèves avant de pouvoir pénétrer à Berkendael et prendre quelques clichés. « La cage qui jouxte le cachot à l’extérieur, par exemple, tu ne t’attends pas à ce que ce soit aussi glauque. C’est une cage… comme pour les animaux (…) Pendant toute une période, moi-même j’étouffais, à force de ne dessiner que des scènes de cellules. »

Au final, la BD qui a été entièrement réalisée avec la protagoniste, et a requis un travail de deux ans, un partenariat qui a permis de prendre le temps d’écouter le récit, d’en prendre la mesure et d’appréhender une réalité sans concessions:« En prison, la plupart sont de petits délinquants, détenus pour usage de drogues qui ne devraient pas être là. La maison d’arrêt coute extrêmement cher à la société et n’apporte pas le soin dont ces personnes ont besoin. L’exemple de Valérie le reflète bien, elle a quand même pas loin de 30 années de toxicomanie derrière elle… » appuie Anaële.

Post-scriptum

Alors que la bande dessinée était quasi clôturée, fin 2015, un épilogue a été ajouté. En deux pages de texte, il dévoile la vie de Valérie après la cure et sa vie à reconstruire.

« Il nous a paru important de montrer qu’il y a aussi des histoires qui avancent bien, qui peuvent évoluer positivement aussi comme ce fut le cas avec l’histoire de Valérie » concluent les auteures.
Aujourd’hui, Valérie vit en France et habite … dans un environnement digne d’une parfaite fiction, suite à une rencontre heureuse et parfaitement improbable en fin de cure. Un Post-scriptum venu ponctuer cet très expressif témoignage sur le quotidien en prison.

Cécile Vanden Bossche, CBCS ASBL (16/05/2018)

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A ne pas manquer le 12/06/2018 : Rencontre et débat autour de la bande-dessinée « La Ballade des dangereuses »

En présence de:

– Valérie Zézé, protagoniste de la bande-dessinée;
– Anaële Hermans, scénariste ;
– Delphine Hermans, dessinatrice ;
– Kris Meurant, coordinateur social à Transit ASBL;
– Vinciane Saliez, directrice de I.Care ASBL.

Une soirée organisée par Liaison Antiprohibitionniste en collaboration avec I.Care et Transit asbl.

Avec le soutien de la COCOF.

Entrée libre

A 18h à Liaison Antiprohibitionniste – 130, rue Van Artevelde – 1000 Bruxelles.

Pour en savoir plus sur la BD

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