« Les classes populaires aussi quittent Bruxelles (…) »

Article de Brussels Studies, Sarah De Laet, publié le 12 mars 2018

Les classes populaires aussi quittent Bruxelles. Une analyse de la périurbanisation des populations à bas revenus

Comme le montre bien le dernier baromètre démographique de l’Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse (IBSA), Bruxelles continue à alimenter la croissance démographique de sa large périphérie. Si, en 2016, 24 381 résidents de Flandre ou de Wallonie sont venus s’installer à Bruxelles, dans le même temps, 39 124 habitants ont quitté Bruxelles pour une des deux autres régions belges. La croissance de la population bruxelloise, que l’on observe depuis de nombreuses années, est donc essentiellement le fruit du bilan positif des migrations internationales et des naissances issues d’une population en moyenne plus jeune que dans le reste du pays. C’est cette croissance qui est en quelque sorte redistribuée ensuite à l’extérieur de la ville.

Ce bilan migratoire négatif de Bruxelles vis-à-vis des autres régions n’est pas un phénomène neuf. Cela fait longtemps que la périurbanisation inquiète les autorités bruxelloises, notamment parce ce qu’elle touche les classes moyennes, importants contributeurs potentiels à l’impôt des personnes physiques, perçu au lieu de domicile. Mais tout comme l’immigration internationale se diversifie à Bruxelles, les migrations à destination du reste de la Belgique, tendent aussi à prendre diverses formes. La représentation exclusive d’un « exode urbain des classes moyennes », cible prioritaire des politiques de « retour en ville » déployée par les autorités publiques, doit aujourd’hui prendre aussi en compte les processus de « périurbanisation modeste ». Sarah De Laet, géographe à l’Université libre de Bruxelles s’est penchée, dans le numéro 121 de Brussels Studies, sur les migrations des ménages issus des classes populaires.

D’après les estimations de la géographe, 30 % des personnes qui quittent aujourd’hui la Région de Bruxelles-Capitale pour s’installer ailleurs en Belgique sont issues des classes populaires. Ces classes populaires urbaines font face à une double pression, sociale d’une part avec la déstructuration du modèle salarial, les pénuries d’emplois et l’insécurité économique, spatiale d’autre part, notamment du fait de l’augmentation des coûts du logement en ville. Face à ces pressions, certains ménages des classes populaires optent donc pour un déménagement hors de la Région de Bruxelles-Capitale.

Où ces familles vont-elles s’installer ? Si l’on regarde les contingents les plus importants, les ménages des classes populaires s’installent en premier lieu dans les espaces périurbains de Bruxelles, particulièrement dans sa périphérie nord. Mais si on regarde, en terme relatif, dans quels espaces ces néo-périurbains peu nantis constituent une part plus importante des arrivants, on voit ressortir d’anciennes localités industrielles de la périphérie proche, ensuite la vallée de la Dendre et de façon plus marquée encore, celle de la Haine et de la Sambre. On y trouve évidemment aussi Charleroi ou encore des communes ouvrières de la périphérie d’Anvers.

Cette géographie de la périurbanisation des ménages bruxellois modestes peut paraître étonnante par sa diversité. En ce qui concerne la périphérie proche de Bruxelles, elle attire l’attention sur le fait que celle-ci est habitée par de nombreux ménages aisés, voire très aisés mais qu’elle est également le lieu de vie de nombreux ménages moins nantis, qui s’installent dans des maisons ne correspondant pas à la classique et allégorique « maison quatre façades avec jardin ».

La chercheure se pose aussi des questions par rapport aux quartiers bruxellois. Le départ en périphérie de ménages populaires stables (c’est-à-dire proches du marché du travail) opère une forme de tri sociospatial. Les implications d’un tel tri peuvent être importantes, notamment pour la mixité sociale. Les quartiers centraux continuent de remplir à l’échelle de Bruxelles, mais également de la Belgique, une fonction d’accueil pour les populations arrivant depuis l’étranger, essentiellement pour les moins nanties d’entre elles. Ces populations qui éventuellement iront nourrir, plusieurs années plus tard, le flux des ménages populaires « stabilisés » sortants de Bruxelles. En ce sens, considérer les quartiers populaires centraux uniquement sous l’angle de la pauvreté et des difficultés économiques est sans doute réducteur. Il s’agit également d’espaces d’accueil et de formation d’un capital social, culturel mais sans doute également économique.

Visiblement, en matière de migrations résidentielles et de politique du logement, focaliser trop exclusivement les discours politiques sur « l’exode des classes moyennes bruxelloises » fait perdre de vue d’autres enjeux…

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Pour plus d’informations, veuillez contacter Sarah De Laet, sdelaet@ulb.ac.be,
+32(0)477 71 53 99.
Ou adressez-vous à la rédaction de Brussels Studies : Benjamin Wayens, bwayens@brusselsstudies.be.
www.brusselsstudies.be

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