Un plan stratégique COCOF 2015-2018 : coup de comm’ ou coup de neuf ?

Dès la première ligne, la COCOF envoie son leitmotiv pour les quatre années à venir : Construire, promouvoir, innover. La formule respire la concision, l’action, la nouveauté ! Oui, mais derrière les mots, à quoi peut-on s’attendre ?

Que peut-on espérer ou craindre, en tant que partenaire associatif ? Quelles perspectives à court, moyen et long terme ? Et quel « win-win » entre associatif et COCOF ? C’est ce que cet article entend creuser. En compagnie de Bernadette Lambrechts, Administratrice générale COCOF et Isabelle Fontaine, Directrice d’Administration des Affaires Sociales, de la Santé, de la Cohésion sociale et de l’Enfance COCOF.

Une réception contrastée

A la sortie de ce plan (pour une vue générale, lire « Plan stratégique COCOF : quoi de neuf pour l’associatif? »), et sans grande surprise, les avis associatifs sont contrastés : critiques, craintes, optimisme, curiosité,… D’un côté, la démarche est saluée positivement, notamment parce que ce plan pourrait apporter une plus grande transparence aux actions COCOF. Et permettre aux associations et fédérations de se remettre aussi en question sur leurs actions, leurs domaines d’intervention. D’un autre côté, l’application d’un tel plan en laisse plus d’un sceptique : « la démarche est positive, mais le chantier est gigantesque et le terrain peu favorable », résume une fédération bruxelloise. Isabelle Fontaine, directrice d’administration COCOF n’entend pas démentir les obstacles, même si elle préfère déjà les conjuguer à l’imparfait : « la grosse maladie de cette institution était que les gens ne se parlaient pas entre départements. On développait une série d’outils, d’expertises, de façons de travailler, parfois avec des associations identiques, subventionnées d’un département à l’autre, mais sans concertation ». A partir de cette situation, le comité de direction a vu l’intérêt de réfléchir à un plan qui soit, ligne par ligne, action par action, nécessairement transversal. Pour Bernadette Lambrechts, « c’était la priorité des priorités pour sortir l’administration des silos dans lesquels chacun des services COCOF était inscrit et la pousser en avant, la moderniser ».

Premiers enjeux : transversalité, crédibilité

Pour s’inscrire dans cette idée de transversalité – et suite au renouvellement complet du Conseil de direction COCOF en 2013 – les objectifs individuels assignés à chacun des mandataires pour les cinq années à venir se sont vu regroupés dans un plan stratégique commun. « La transversalité n’existait pas et n’existe toujours pas encore actuellement », admet-elle. Et pourtant, nous travaillons tous sur des matières personnalisables ! ». L’administratrice générale souligne un autre type d’enjeu : la crédibilité de la COCOF. Celui-ci est directement lié aux incertitudes qui pèsent sur l’institution, notamment depuis la 6ème réforme de l’Etat et l’aspiration vers la COCOM d’une partie importante des compétences exercées par la COCOF (lire à ce sujet l’analyse du Crisp). « Quel que soit l’avenir institutionnel qui se dessine, nous devons avoir un pôle administratif d’expertise qui soit capable de répondre aux besoins des Bruxellois dans les matières personnalisables ». Les défis semblent jusqu’ici des plus louables. Mais par quel bout entamer ce chantier d’envergure ? Où en est-on dans la mise en place de ces objectifs en interne, à la COCOF ? Avec quelle adhésion, quelle participation de la part des travailleurs ?… « C’est la phase dans laquelle nous sommes pour le moment », précise l’administratrice générale. Le plan stratégique a été décliné en un plan opérationnel qui comporte 98 projets ». Communiqué à une série de personnes – syndicats, chefs de service, gouvernement,… – ce plan fait l’objet d’un appel à candidatures lancé via le réseau intranet de la COCOF pour désigner les futurs responsables de projet. Nouveauté : l’appel n’est pas réservé uniquement à des chefs de service et s’écarte donc de la ligne hiérarchique habituelle suivie par l’administration. « Chaque chef de projet devra monter son propre groupe de travail – Personne handicapée, Enseignement,… – et porter ses projets de manière transversale. « C’est comme cela que nous comptons créer cette culture de plan stratégique », précisent les deux responsables COCOF. Ce qui représente, selon elles, une toute nouvelle façon de travailler et va de pair avec d’autres travaux en cours – en interne, à la COCOF – sur le règlement de travail, profils de fonction, etc.

Nouvelle culture d’entreprise

Face à ces changements, des réactions, parfois inquiètes, des travailleurs COCOF, se font entendre : « on est déjà le nez sur le guidon » ; « comment vais-je faire pour mobiliser des gens alors que je ne suis pas chef de service ? »… Pour Isabelle Fontaine, il n’y a rien de révolutionnaire, il s’agit de réorganiser les matières autrement et de faire de la simplification administrative, y compris en interne, afin de se faciliter la vie, à plus long terme. « C’est une tout autre manière de penser, c’est un management par projet », souligne-t-elle. Est-ce à cette nouvelle culture d’entreprise que l’associatif va prendre part pour s’associer au plan stratégique COCOF ? Comment va-t-il être associé à ces objectifs transversaux ? C’est précisément sur ce point qu’un responsable de fédération prône la plus grande vigilance, à ce stade : « ce qui est intéressant, c’est cette idée de co-définition et de co-responsabilité des objectifs entre la COCOF et l’associatif, cette idée de bonne gouvernance. Mais attention à ne pas glisser vers une mise sous tutelle de l’associatif par le politique comme cela se dessine du côté du décret en promotion de la santé. Le danger serait de glisser vers un caractère conventionnel qui signifierait ne plus subsidier que des objectifs sur base d’appels à projet à durée déterminée et non plus sur des objectifs à long terme ».

« Un nouveau modèle doit être trouvé ! »

Côté COCOF, on se veut rassurant : « très clairement, ce n’est pas l’objectif. L’objectif est qu’il y ait un cadre conventionnel sur les modalités de mise en œuvre des actions politiques, que ce soit via des appels à projet ou dans le cadre d’arrêtés de subvention, d’agréments. Peu importe », répond Bernadette Lambrechts. Et sa collègue d’ajouter : « il faut pouvoir adapter, à certains moments, l’offre aux besoins de la population à travers des outils de programmation. En tant qu’institution performante, nous devons pouvoir dire au pouvoir politique où il faut investir des moyens complémentaires, réorienter les moyens. Or, à la COCOF aujourd’hui, nous avons très peu de connaissances objectives de l’offre et de la demande». Pour Isabelle Fontaine, travailler autrement n’est donc pas synonyme de la fin d’un système pour un autre, mais plutôt d’une cohabitation plus réfléchie entre les différents modèles existants – « Il faut peut-être que le modèle de cohésion sociale [sur base d’appels à projet, ndlr] se rapproche un peu du modèle plus ‘normé’ et que le modèle agrément se rapproche un peu plus du modèle cohésion sociale » – et ce, sur base d’une attention plus fine accordée au terrain : être plus au courant de ce qui s’y passe, avoir des recueils de données, construire une expertise commune avec le secteur associatif, voir ensemble comment réorienter les besoins, etc. C’est professionnaliser le travail des agents COCOF, mais en collaboration avec le secteur associatif. C’est pouvoir investir, mais avec le secteur et pas contre lui ! », s’exclame-t-elle. Sous la notion de « concertation » [1], il n’y aurait d’autre ambition que de « réorganiser le travail avec les fédérations». Leur manque de représentativité est clairement pointé du doigt. La directrice d’Administration prend pour exemple le secteur ambulatoire et ses 12 fédérations « qui n’ont aucun système de mandat entre elles. Comment, dans cette situation, travailler ensemble sans réfléchir à un système de délégation pour éviter les groupes de travail à 20 ? », interroge-t-elle. L’Interfédération Ambulatoire (IFA, plus de détails sur le site du CBCS) est cité comme un bon exemple de tentative de mise en place d’une vision commune pour l’ensemble du secteur ambulatoire. «Mais, il faut être honnête, pour le moment, ce n’est pas encore tout à fait opérationnel, ils n’ont pas encore organisé un système de mandat entre eux et n’ont donc pas la possibilité de formuler un avis plutôt que 12 copié-collé ! ».

La nébuleuse associative : à qui s’adresser ?!

Même son de cloche du côté de l’Administratrice générale : « actuellement, je ne sais pas qui sont les interlocuteurs associatifs à Bruxelles. Il y a quelque chose de paradoxal à la COCOF, poursuit-elle, bien que ce soit inscrit dans notre essence constitutionnelle de déléguer notre travail sur les matières personnalisable à l’associatif, le rapport à celui-ci est tout sauf organisé et professionnel. Nous sommes dans des relations individuelles avec pratiquement chaque association. Nous n’avons pas un cadre de négociation global avec les représentants des secteurs associatifs. Que ce soit aussi bien les employeurs que les syndicats ». En termes de simplification administrative, nous avons besoin d’un interlocuteur qui soit représentatif –– nous devons nous mettre dans les instances de négociations actuelles qui sont les commissions paritaires – mais il faut également un cadre de négociation », s’exclame-t-elle. Pour Bernadette Lambrechts, des messages ont déjà plusieurs fois été lancés en ce sens au secteur non marchand. Avec peu de répondant jusqu’à présent. Côté fédérations, on reconnaît qu’il n’est pas simple de porter une parole commune quand il y a disparité en termes de missions, de tailles, mais aussi de financements des diverses structures. Certaines fédérations seraient déjà tout simplement dépassées par le travail à réaliser pour leur propre secteur… « Raison de plus pour se faire confiance, rétorque Isabelle Fontaine, et si telle fédération a par exemple un spécialiste en épidémiologie, qu’il puisse le mobiliser pour travailler avec nous sur tel sujet, au nom de l’ensemble des fédérations ».

…Ceci n’est pas le plan stratégique de la COCOF !

De toute façon, inutile de rêver : « Il n’y aura pas de moyens complémentaires pour les fédérations pour la mise en œuvre du plan stratégique de la COCOF ». Mais alors, pourquoi les partenaires associatifs se lanceraient-ils dans l’aventure, tête baissée ? « Ce plan stratégique, c’est la viabilité de la COCOF… et de l’ensemble du secteur associatif qui est derrière, s’exclame Bernadette lambrechts, c’est une question de survie pour les associations ; pour l’associatif bruxellois. Il y a un vrai enjeu à avoir une visibilité, une identité qui passe par une autre manière de travailler avec l’Administration ». Selon elle, ce plan s’inscrit dans la droite ligne des objectifs poursuivis par toute fédération sociale bruxelloise. En d’autres mots, ceci n’est tout simplement pas le plan de la COCOF : « c’est une nouvelle manière de travailler qui est proposée pour répondre à cet objectif de plus d’efficacité pour les réponses aux besoins des Bruxellois et à plus de visibilité ». Ce qui n’exclut pas l’idée de devoir procéder, à un moment donné, à un rééquilibrage dans la manière dont sont financées les différentes structures. Toutefois, des économies d’échelle pourraient aussi être réalisées si on s’organisait autrement, laisse-t-on entendre. Pour Isabelle Fontaine, « il faut tous balayer devant sa porte, faire un effort de chaque côté : les processus que la COCOF met en place sont effectivement lents – par exemple, le recueil de données, cela fait 10 ou 15 ans que nous y travaillons et nous n’avons toujours pas de recueil de données harmonisé ! – mais le corporatisme associatif –effet de crainte, volonté de visibilité de chaque secteur, difficulté de se concerter – est aussi un facteur d’inertie pour aller de l’avant ! ».

De l’intérêt commun…

Bref, il est bien question d’effort commun pour un win-win Administration-associatif. Et de rappeler les grands chantiers du plan stratégique en question : simplification administrative, procédures d’agrément et de subventionnement simplifié, la mise à disposition aux associations du logiciel de secrétariat social de calcul des subventions COCOF,… « C’est peut-être du temps de travail maintenant, mais pour en gagner par ailleurs ». Reste à construire un rapport de confiance réel, à la fois en interne à la COCOF et à l’extérieur, avec les partenaires associatifs. « Qui dit fédération, dit mandat et représentativité. Et ce cadre conventionnel, ce n’est pas encore clair », reconnaît Bernadette Lambrechts. Il nécessite des éclaircissements de notre part, sur ce que nous attendons, pour permettre aux fédérations de formuler ensuite des propositions concrètes. « On se sent plus en sécurité quand on est chacun dans sa petite case, mais je pense que c’est une grave erreur », finit-elle par conclure. Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl (08/02/2016).

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