Justice sociale à la trappe

Pour la Fédération des services sociaux, les trois mesures visant à augmenter le pouvoir d’achat des belges délaissent toute une partie de la population. Communiqué du 11 juin 2020.


Ce samedi, le KERN élargi adoptait trois mesures visant à stimuler la consommation dans des secteurs affectés par la crise et à augmenter le pouvoir d’achat (notamment des publics précaires).

Ces mesures seront profitables à certaines personnes et à certains pans de l’économie. Mais il est criant de constater que les plus précaires – ceux non couverts par une protection sociale parmi lesquels les travailleurs au noir ayant perdu brutalement toute source de revenus – sont les grands oublié·e·s. A l’analyse, ces décisions gouvernementales sont loin d’être à la hauteur de la situation critique dans laquelle se trouvent des centaines de milliers de belges.

L’accord prévoit d’octroyer une aide sociale complémentaire de 50 euros mensuels pendant 6 mois à destination des allocataires sociaux que sont les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale (CPAS), les personnes porteuses d’un handicap et les personnes âgées qui bénéficient de la Grapa. Si on salue le principe de la mesure, là où on espérait un minimum de 200 euros additionnels par mois, 50 euros mensuels ne permettront pas aux personnes dont les ressources demeureront encore sous le seuil de pauvreté de maintenir la tête hors de l’eau. Et ce, sans compter les nombreux publics, parfois déjà très fragiles, qui sont exclus de cette mesure : les chômeurs dont l’allocation est parfois modique, les personnes touchant une indemnité d’incapacité de travail, les personnes sans-papiers ayant perdu tout revenus professionnels. On estime également à 200.000 personnes les nouveaux publics (étudiant·e·s jobistes, travailleuses et travailleurs de l’économie “informelle”, personnes au chômage partiel, indépendant·e·s, etc.) désormais en privation matérielle sévère.[1]

L’idée d’offrir un railpass à chaque résident belge est tout aussi étrange. Les calculs, déjà, sont glaçants en termes de sécurité sanitaire. En imaginant que chaque résident·e belge (il y en a environ 11, 4 millions) utilise ces dix voyages dans le délai imparti, on arriverait à un total de 114 millions de trajets du 1er juillet au 31 décembre prochains. S’ils devaient s’ajouter au moins en partie aux 253 millions de voyages effectués l’an dernier, la situation sanitaire serait bientôt ingérable dans des wagons bondés. En outre, le prix de cette mesure (Christine Mahy du RWLP calculait que sur une base de 40% seulement de demandes, la mesure couterait plus de 380 millions) permet de s’interroger sur une meilleure utilisation sociale de ces dépenses. Une telle mesure appliquée dans les transports en communs vicinaux et urbains aurait sans doute eu socialement plus de sens. En l’état, ce railpass n’est en tout cas d’aucune utilité pour qui a des débuts et des fins de mois compliqués.

Et que penser du chèque consommation de 300 euros défiscalisé qui pourra être offert par les employeurs ? Il ne profitera qu’aux employé·e·s d’entreprises en bonne santé, non à celles et ceux qui ont perdu leur emploi ou qui travaillent pour des entreprises fragilisées par la crise. Comme le souligne Etienne de Callatay, « Ce chèque est une prime aux chanceux. C’est antisocial. »

Est-il si compliqué de mettre en place des mesures décentes envers les personnes que la crise aura tout simplement écrasées ? Les décideurs politiques sont-ils capables de penser une relance autrement que par la consommation de ceux qui le peuvent ? Pour la FdSS, il est primordial que le renforcement du pouvoir d’achat des belges passe par des mesures contribuant à la justice sociale et la réduction des inégalités. Ce choix politique, beaucoup de personnes, de familles et d’organisations l’attendent encore et toujours.

Contact presse Julie Kesteloot Julie.kesteloot@fdss.be 0477 / 30 53 78

LIRE AUSSI :

Céline Nieuwenhuys : « Les questions sociales passent en dernier ! », interview dans l’Alterechos, 4 juin 2020

Extrait épinglé :

C. N. : « Dans la plupart des réunions, les questions sociales passent en dernier, avec peu de temps pour échanger. Elles sont intégrées dans le rapport du GEES au dernier moment. Mais ce n’est que le reflet de la manière dont la société fonctionne. Les questions sociales sont toujours reléguées au second plan. La dynamique du GEES n’est pas différente de la dynamique sociétale. La composition du groupe en est d’ailleurs le reflet ».

Pour rappel, la Fédération des Services Sociaux (FdSS) fédère et représente des services sociaux associatifs en Wallonie et à Bruxelles.
Pour soutenir les acteurs sociaux de terrain, elle développe des projets, des formations et une expertise, en particulier dans les domaines du droit à l’alimentation, à l’eau et à l’énergie. Elle contribue également à la réflexion en matière de travail social et de politique sociale via ses projets de recherche-action. À partir de ces analyses et en collaboration avec les travailleurs sociaux, elle interpelle et formule des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et des acteurs administratifs et associatifs. En savoir plus : www.fdss.be

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