Dernière valse politique avec Cécile Jodogne…

Le mercredi 17 juin 2015, en guise de clôture des Rencontres irisées, c’était au tour de la ministre Cécile Jodogne (FDF), chargée de la Politique de la Santé (Cocof) et de l’Aide médicale urgente (Région), de venir répondre aux questions des professionnels de la santé et du social à Bruxelles. Il était question d’expertise associative, de concertation, de synergies social-santé, … Discussion et débat sur un ton franc qui n’annonce, certes, aucun miracle, mais promet une oreille attentive et ouverte aux alternatives de terrain. Un bon début ?

Sixième réforme de l’Etat en Santé

Première question habituelle, presque routinière, lancée à l’entame de la discussion : 6ème réforme de l’Etat, une opportunité pour repenser Bruxelles ?… La ministre rappelle que son parti n’a pas voté cette sixième réforme, elle a juste fait un engagement de loyauté dans le cadre de la déclaration de politique régionale. Elle souligne aussi que le basculement concerne uniquement des institutions francophones vers le bicommunautaire, et non l’inverse.

Autre point d’attention relevé par la ministre : la différence existant entre la Cocof et le Bicommunautaire : le bico gère majoritairement des structures de type « hospitalier » alors que la Cocof s’appuie sur un secteur d’institutions et d’associations plus nombreux et inscrits dans une politique de proximité, de collaboration, de terrain, avec un tissu associatif assez dense, spécifique à Bruxelles.

Alors, la sixième réforme, une opportunité ? « Même si quelque chose, en partie, s’impose à nous, l’attitude la plus saine est d’en saisir toutes les opportunités, voire de les créer« , affirme-t-elle. « Réfléchir différemment, penser autrement,… pour aborder toute la problématique social-santé au mieux ».

Déterminants sociaux de la santé

Manu Gonzalves, coordinateur du groupe Précarités à la LBFSM et directeur du SSM Le Méridien, rappelle en quoi consiste le quotidien des intervenants psycho-médico-sociaux, en prise avec cette précarité bruxelloise : « avant de pouvoir exercer nos métiers respectifs – médecins, infirmier, travailleur social, psychiatre,… – nous devons d’abord traiter les réalités des besoins de base qui ne sont plus couverts : logement, nourriture, … Par exemple, souligne-t-il, notre centre de santé mentale a un service de distribution de vêtements, d’objets de la vie quotidienne,… pour des gens qui ne sont pas encore tombés dans la grande précarité mais qui sont déjà précaires. Nous sommes dans un montage, une mobilisation avec ces personnes pour leur rendre, juste possible, une vie ordinaire« …

Face à ce constat, tenir compte des déterminants sociaux de la santé pour penser une politique de santé semble aujourd’hui faire consensus, tant du côté des professionnels de terrain que des politiques. Et pourtant. Nombre de ces déterminants sont disséminés dans des compétences ministérielles différentes, souvent partielles : logement, emploi, social, santé,… D’où, cette autre question à la ministre de la santé en Cocof, comment articuler l’ensemble de ces politiques au bénéfice du bien-être de la population ?… « Imaginer qu’un ministre pourrait être compétent dans tous les domaines, c’est totalement impossible ! », rétorque-t-elle. « Mais il existe une déclaration de politique générale, une collégialité des décisions qui invite à débattre ensemble de ces diverses problématiques lors des conseils des ministres. En tant que ministres, nous sommes conscients qu’un logement insalubre a des conséquences sur la santé par exemple. Et qu’il est donc nécessaire d’opérer des transversalités entre nos compétences respectives au lieu de les cloisonner ». Pour ce faire, Cécile Jodogne invite à démultiplier les lieux de concertations : colloques, conférences ministérielles, … Mais aussi à ouvrir les lieux de discussions et de concertations à des acteurs qui ne sont pas toujours directement concernés par ces compétences mises en débat.

Innover, optimiser, s’organiser autrement…

Face à la croissance des inégalités et donc des demandes adressées à nos services, quelles solutions envisager : une augmentation des moyens ou une limitation des prises en charge ?, s’interroge l’associatif bruxellois. « La limitation des prises en charge n’est pas une réponse satisfaisante », tranche la ministre, « surtout qu’il s’agit souvent des publics les plus vulnérables. Néanmoins, Dans le contexte actuel, l’augmentation des moyens n’est pas non plus la solution possible », ajoute-t-elle. Alors, quoi ? Que fait-on ?… Selon elle, une troisième voie est à explorer : « il faut innover, s’organiser autrement, optimiser les structures, répondre autrement aux demandes,… » Il n’y aurait pas de réponses immédiates, mais des réflexions en cours, à l’état de pistes. A titre d’exemple, elle cite un projet pilote déposé par Médecins du Monde et LAMA, l’incubateur socio-sanitaire, dans le cadre d’un appel à projets FEDER. Elle rappelle son engagement à soutenir le projet malgré l’absence de soutien du FEDER (projet finalement non retenu). Mais elle insiste : « nous ne pourrons le faire seuls, nous avons besoin du secteur pour la réflexion, la mise en place de ce type de nouveaux dispositifs afin de répondre à ces fragilités croissantes à Bruxelles ».

Plan de Santé Bruxellois

Dans le prolongement de cette réflexion, le Plan de Santé bruxellois, serait-il une piste, plus globale, pour tenter de répondre autrement et de manière moins cloisonnée à l’augmentation de la précarité sociale à Bruxelles ? Pour rappel, son objectif est bien de permettre une offre de soins en région bruxelloise, en concertation avec les autres niveaux de pouvoir et l’ensemble des acteurs de la santé.

3 objectifs principaux :
-Amélioration de l’accessibilité aux soins (géographique, social, financier);
– Reprise efficace des compétences transférées;
-Création d’une politique cohérente en région bruxelloise et complémentaire (entre bico et cocof).

5 lignes directrices:
-efficience des moyens disponibles;
-approche centrée sur les besoins du patient;
-le décloisonnement social-santé;
– la transition numérique;
-la multiculturalité.

« C’est une volonté claire d’aller vers une politique globale qui irait de la première ligne de soins jusqu’aux hôpitaux et structures posthospitalières (soins palliatifs, santé mentale, …) », explique la ministre. Elle poursuit : « des groupes de travail sont mis en place pour tenir compte des approches différentes, des réalités différentes des institutions, mais aussi des bénéficiaires ». Son cabinet pilote plus spécifiquement le groupe de travail intitulé « promotion et prévention de la Santé ».

Promotion de la santé

Dans un climat d’incertitude suite au glissement du secteur de la Communauté française vers la Cocof, il paraissait important pour la ministre de répondre par un décret propre (et non une intégration dans le décret ambulatoire).

Et ce, avec 3 objectifs :

-avoir une vraie politique de Promotion de la Santé en Cocof;
-conserver une identité propre à ce secteur tout en favorisant des ponts avec l’existant social -santé;
– volonté de stabiliser associations, équipes et projets.

« Si nous avions voulu intégrer ce décret dans l’ambulatoire, cela aurait été beaucoup plus long et difficile », s’explique la ministre, notamment parce que le décret ambulatoire fait l’objet d’une évaluation actuellement (ndlr, présentation faite le 23 juin 2015). Riche d’enseignements, elle va amener à des modifications, d’où difficulté selon elle, d’allier les deux. Mais Cécile Jodogne se veut rassurante : « nous ne faisons pas l’un d’un côté, sans connaître l’autre; les possibilités de rencontres entre les deux décrets sont présents. Les secteurs chargés de l’accompagnement en promotion santé devront par exemple offrir aussi leurs services dans l’ambulatoire. Et peut-être que, dans quelques années, les deux décrets se verront regroupés en un seul ? … Mais c’était trop prématuré, selon la ministre, de le faire aujourd’hui.

Expertise et timing de concertation

Pour Manu Gonzalves, l’expertise de terrain du secteur ambulatoire, très fine, mérite d’avoir une place réelle dans ces différents processus de réflexion, dans ces perspectives de nouvelles manières de travailler. Or il souligne la difficulté de la représentation de ce petit secteur qu’est l’ambulatoire à côté des poids lourds de la santé, tels que les hôpitaux, etc. « Nous sommes très soucieux de prêter une oreille attentive à ces acteurs de terrain », rassure d’emblée la ministre. Mais elle enjoint cependant le secteur à prendre part directement aux groupes de travail du Plan de Santé bruxellois notamment pour faire passer ce message :  » Parlez-en et expliquez en quoi cela vous paraît important d’insister sur vos différences qui vous donnent une connaissance fine et spécifique du terrain ». En effet, elle rappelle que l’organisation des groupes de travail dans le cadre de l’élaboration du Plan de Santé bruxellois est suivi à la fois par les équipes des ministres, mais aussi par l’administration de la Cocom et par l’Observatoire du social et de la santé alors que le cabinet de la ministre Jodogne ne fait pas partie du collège bicommunautaire.

Une participante au débat, Hélène Coppens du SSM ANAIS, interpelle cependant la ministre sur une incohérence relative à la mise en place du timing de concertation, notamment en regard de ce Plan de Santé bruxellois : « on ne peut nous dire que la concertation est très importante et puis, ne pas permettre qu’elle se passe dans de bonnes conditions. On gâche là quelque chose de très précieux tant pour le politique que pour notre travail dans les associations. Je fais partie d’une fédération qui n’a même pas été mise au courant de la mise en place de la date de cette concertation », témoigne-t-elle. La ministre ne nie pas cette incongruité : « la volonté d’aboutir à l’automne était ambitieux, voire impossible ! » Il existe, selon elle, une sous-estimation de la mise en place d’un calendrier possible de la part de ses collègues du bicommunautaire. A contrario, elle rappelle aussi la pression exercée par les acteurs de terrain eux-mêmes pour que des choses soient mises en place rapidement. « Reste à trouver un juste équilibre », conclut la ministre.

Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl (14/07/2015)

A lire également

Parlement bruxellois francophone – Compte-rendu de la séance plénière du 10 juillet 2015.

Lire à partir de la page 28 sur le projet de décret en Promotion de la santé et à partir de la page 38 sur l’évaluation du décret Ambulatoire.

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