Vers un INAMI bruxellois …

On le sait : en politique, tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout, il n’y a d’accord sur rien. Cela dit, l’idée d’un Organisme d’intérêt public bruxellois un peu – beaucoup – calqué sur le modèle de l’INAMI, trace son chemin. On va continuer à formuler les phrases de cet article au conditionnel, mais il est fort à parier qu’en septembre, le Collège de la Commission communautaire commune signe une ordonnance qui tiendra du faire-part de naissance.

La 6e Réforme de l’Etat va produire ses premiers effets demain, 1er juillet 2014. Elle aura des répercussions importantes sur l’organisation des services d’aide aux personnes dans chacune des Régions et sur l’organisation de la solidarité interpersonnelle à l’échelle du pays. Globalement, personne ne sortira gagnant de ce dépeçage du Fédéral au profit des entités fédérées. Néanmoins, l’une ou l’autre opportunité est peut-être à saisir. Dans certains secteurs d’activités, le regroupement de compétences, et donc des leviers d’action, pourrait permettre de penser et orienter des politiques publiques à long terme. Les ingrédients pour concocter une vision, un projet politique social-santé sur Bruxelles peuvent être réunis, si le ou les organismes d’intérêt public qui accueilleront les nouvelles compétences, et les articuleront avec celles préexistantes, le permettent.

Gestion paritaire des compétences transférées

Il y a quelques jours encore, la création d’un OIP [Loi du 16 mars 1954 sur les organismes d’intérêt public : « L’Autorité fédérale et les entités fédérées peuvent créer par une loi, un décret ou une ordonnance des organes indépendants, qui ne font pas partie de l’administration tout en contribuant à l’action du gouvernement dont ils dépendent. »]] n’était qu’une ambition francophone [1] Rapidement adoptée en Wallonie, l’idée devait être partagée, en Région bruxelloise, par les partenaires néerlandophones. C’est manifestement chose faite, si l’on en croit le projet d’accord politique de majorité pour la Commission communautaire commune (Cocom). Celui-ci prévoit en effet la création d’un OIP chargé d’assurer la mise en œuvre du principe de gestion paritaire des compétences transférées, dans lequel siégeront deux commissaires du Gouvernement (1 Fr et 1 Nl) ; et, concomitamment, un renforcement substantiel de l’Administration de la Cocom. Deadline préconisée pour la mue : été 2015. Tout entrepreneur général vous le dira, Il faudra sans doute faire avec les retards inhérents à tout chantier d’envergure. On négocie encore : cet OIP prendra-t-il en main les compétences transférées stricto sensu ou également des compétences santé et sociales qui sont déjà aujourd’hui du ressort de la Cocom ? Les décisions prises ne seront pas anodines : quid, en effet, dans cette configuration, des rôle et fonctionnement – de l’existence même – du Conseil consultatif, organe d’aide à la décision politique ? Ce dernier réunit des représentants des partenaires sociaux professionnels et sectoriels, des usagers et des experts. Or, dans l’OIP, si c’est bien le modèle INAMI qui est repris, ce sont les partenaires sociaux interprofessionnels et intersectoriels que l’on retrouve au côté des mutuelles et des prestataires de soins. Une toute autre configuration, donc. A ce niveau de décision, les interlocuteurs ne traitent plus de l’humain mais des masses financières globales, et les secteurs ambulatoires tels les services actifs en matière de toxicomanie, les soins palliatifs et continués, les maisons médicales, les centres d’aide aux personnes et d’autres, sont trop petits que pour y être directement représentés. La question est essentielle : quelle tuyauterie institutionnelle, quelle structure décisionnelle mettre en place pour faire correspondre la vision politique incarnée par l’affectation de budgets avec la réalité et les besoins du terrain ? L’expertise associative doit y trouver place.

Adaptation aux normes du bicommunautaire

Autre préoccupation : le nécessaire glissement des services ambulatoires agréés par la Commission communautaire française qui perçoivent un financement INAMI (ex. : convention de revalidation) vers la Cocom, puisque tous les budgets des compétences transférées y atterrissent. Pas de panique ! Il y a accord sur la préservation des droits et financements des institutions (engagées dans un cadre d’agréments pluriannuels). Cette équivalence devra être tant financière que juridique, et permettre à court terme une politique programmatique de la Cocom, assurant une prévisibilité des financements nécessaires. Autre chose est le respect des règles linguistiques de mise dans l’institution bicommunautaire : communication publique dans les 2 langues et communication individuelle dans le choix de la langue de l’intéressé(e). Des dispositions qui impacteront un certain nombre d’associations. D’une part, il faudra soupeser l’augmentation des frais de fonctionnement et/ou de personnel que l’adaptation à la norme bicommunautaire risque d’engendrer pour celles-ci ; et d’autre part, on connait les craintes du terrain néerlandophone, celles concernant un accueil multilingue de l’usager qui ne pourrait être assuré partout. Un aspect de la question qui reviendra aussi lorsque, une fois l’implémentation des nouvelles compétences digérée, on s’attaquera au second volet du réaménagement institutionnel bruxellois qu’appellent de leurs vœux nombre de nos débatteurs : le basculement vers cet OIP de l’ensemble des compétences Santé et Aide aux personnes de la Cocof et de la VGC. Mais « chi va piano va sano », hé ! Alors, tout se met en place pour créer une vision de politique publique social-santé à la mesure des besoins de la population bruxelloise fragilisée ? Soyons volontaire et optimiste. Encore ne faudrait-il pas qu’un gouvernement fédéral ultra-droitier ne vienne compromettre ce grand projet, notamment par une politique fiscale qui impacterait directement les recettes des entités fédérées [2]

Les 13 commandements

A l’entame des négociations bruxelloises, les partis de la majorité PS, FDF, cdH, Open Vld, SP.a, CD&V se sont accordés sur 13 objectifs et principes généraux :
  • La volonté de maintenir, dans les mêmes principes et les mêmes formes, paritaires, la manière dont les matières sont actuellement gérées par le fédéral en l’adaptant à la réalité bruxelloise ; et d’assurer l’implication des interlocuteurs sociaux, des acteurs et des usagers.
  • Le transfert des compétences reposera sur un principe général de standstill, assurant, au-delà du transfert et à titre conservatoire ou permanent, la préservation des agréments et financements acquis par les institutions actives sur le territoire de la Région bruxelloise.
  • La cohérence des politiques de santé, des aînés et des personnes handicapées menées en Région de Bruxelles-Capitale.
  • La responsabilisation des acteurs et des institutions.
  • La volonté de voir la gestion bicommunautaire des matières transférées de santé, d’aide aux personnes et des allocations familiales se faire en parfaite entente et coordination avec la Communauté flamande et la Communauté française.
  • La spécificité des décisions et modes de gestion de la Cocom, de son administration et de son Collège Réuni.
  • Le respect des dispositions en matière d’emploi des langues en matière administrative et du caractère bicommunautaire des institutions ressortissant de la Cocom.
  • La solidarité entre les personnes et entre les générations sur la base la plus large, tout en respectant les spécificités des différentes compétences.
  • L’accès le plus large possible aux prestations pour tous les citoyens aux niveaux financier, socio-culturel et géographique au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale.
  • Le libre choix et la liberté de circulation des acteurs et des usagers, en assurant la continuité du traitement administratif, et la reconnaissance réciproque des opérateurs à l’intérieur de la Région de Bruxelles-Capitale et entre les différentes entités.
  • La liberté thérapeutique.
  • La qualité des prestations, le développement de l’offre en fonction des besoins et la recherche de complémentarités dans l’offre de soins présente sur le territoire des différentes entités, notamment dans l’offre de proximité et la spécialisation de pointe, y compris pour ce qui concerne les conventions de revalidation.
  • La recherche de synergies, de simplifications de gestion et de décision entre toutes les entités compétentes via notamment des accords de coopération.
Alain Willaert, CBCS asbl, 30/06/2014

A lire sur ce dossier

VIe Réforme de l’Etat et transfert de compétences : guide de survie Comprendre les enjeux de la 6e Réforme de l’Etat… Comprendre la gestion paritaire des compétences transférées La Cocom prête pour un nouveau départ ? sur alterechos.be

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